Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/268

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Tout mécanicien, tout chauffeur est pourvu d’un livret de dimensions calculées pour entrer facilement dans une poche, imprimé en gros caractères et divisé en trois chapitres comprenant les attributions et la responsabilité, les mesures de sûreté, les mesures d’ordre. Dans ce petit livre, composé d’une centaine de pages et qui est un modèle de clarté, le mécanicien trouve non seulement les prescriptions qui fixent d’une façon absolue toutes les précautions, tous les soins qui doivent assurer sa route, mais encore l’indication des mesures à prendre pour toute circonstance exceptionnelle qui peut se présenter devant lui ; s’il sait son livret par cœur, il est à l’abri de tout accident qui n’est pas produit par un méchant hasard. Ce qui frappe le plus quand on étudie consciencieusement les chemins de fer, c’est l’extrême prévoyance des chefs de service, qui, à force de réflexion, de travail et de combinaisons ingénieuses, sont parvenus à se rendre maîtres de toutes les conjectures possibles et à annuler, pour ainsi dire, les chances mauvaises qui menacent toujours une semblable exploitation.

L’intelligence pratique des mécaniciens assure la stricte exécution des règlements. Tout, pour ces hommes dont les sens sont parvenus à un degré d’acuité extraordinaire, est un indice et un renseignement. La nuit et les yeux bandés, sur une route dont ils ont l’habitude, ils sauront précisément où ils sont. À l’air plus frais qui frappe leur visage, ils reconnaissent l’approche de vallées ; par le bruit plus strident et pour ainsi dire multiplié du train en marche, ils sont prévenus qu’ils passent entre des remblais ; une fade odeur de moisi leur annonce le voisinage des tunnels ; le parfum humide et pénétrant des bois endormis leur apprend que la forêt est auprès d’eux ; quand le train glisse presque sans rumeur, c’est qu’on descend une