Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/27

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Il faudrait revoir le quartier Saint-Marceau, horrible amoncellement de passages fangeux, les environs de la place Maubert, la place Cambrai, asile empesté des chiffonniers, la rue de la Mortellerie, d’où sortit le choléra de 1832, et ce chapelet de ruelles nouées autour de la Butte des Moulins, qu’on va enfin déblayer, et la rue Basse-du-Rempart, qui servait de dépôt aux immondices de tous les passants attardés, et la rue de la Planche-Mibray, qu’on franchissait d’un pas, et la rue de la Vieille-Lanterne, de sinistre mémoire, et les coupe-gorge de la Cité, où la prostitution et l’assassinat marchaient de conserve, et le dédale tortueux qui séparait le Palais-Royal des Tuileries, et les abords du Louvre, encombrés de hangars où les chiens savants se battaient avec les singes impudiques, et les Champs-Élysées obscurs, boueux, hantés par des êtres ambigus qu’on pouvait prendre pour des revenants de Gomorrhe, et les montagnes du boulevard, que les chevaux gravissaient au pas, et la Petite Pologne, pleine de terrains vagues peu rassurants, et les dangereux abords du Canal, et le bois de Boulogne aride, et le bois de Vincennes desséché, et les égouts engorgés, et les voiries écœurantes de Montfaucon, et les baraques déchiquetées des marchés publics, et les Halles, qui ressemblaient à un charnier, et le Chemin de ronde, où l’on avait de la boue jusqu’au jarret, et les ruisseaux bordés de masures lépreuses qui se tordaient aux flancs de la montagne Sainte-Geneviève. Qui, se souvenant de ces misères, ose les regretter encore ?

La transformation de Paris était devenue indispensable ; cette mesure devait nécessairement concorder avec l’établissement des chemins de fer qui versent chaque jour dans les gares urbaines des milliers de voyageurs. Pour préparer et entreprendre une rénovation si radicale, il est permis de penser qu’une sorte de dictature n’a point été inutile. Nous en souffrons, nous les