Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/324

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sépare le port de la chaussée ; derrière les bornes et ne les dépassant jamais sont alignées des espèces de guérites sur lesquelles on lit des enseignes de voituriers. Ce sont les propriétaires d’une charrette, d’un haquet, d’un cheval, qui s’établissent là et sollicitent le charroi des tonneaux que les débitants au détail viennent acheter. Chaque maison à une porte charretière suivie d’une avenue plantée d’arbres qui n’en finit pas et où sont placées côte à côte des régiments de feuillettes. On ne voit que des gens armés d’un poinçon et d’une tasse d’argent ; ils font un trou, reçoivent le vin dans leur coupelle, le hument en pinçant les lèvres, s’en gargarisent, le recrachent, s’essuient la bouche d’un revers de manche, passent à une autre pièce et recommencent. Cela sent partout une fade odeur de lie et de vinasse qui n’est point agréable. Quand on rentre chez soi, cette senteur vous poursuit et l’on est quelques jours à ne boire que de l’eau pour se débarrasser du souvenir de cet insupportable parfum. Là, on crie le vin comme dans d’autres quartiers on crie : Vieux habits ! vieux galons ! C’est un gros commerce cependant et dont il ne faut point médire, car il s’y acquiert d’énormes fortunes ; en 1860, l’enquête de la chambre de commerce constatait que les marchands de vin de Paris faisaient annuellement près de 200 millions d’affaires. Je crois que ce chiffre est tout à fait au-dessous de la réalité.

Les céréales viennent relativement en petite quantité par la Seine ; 1867 en a vu arriver 159 millions 338 682 kilogrammes, sur lesquels les blés et farines comptent pour 98 millions 728 700. L’Yonne et ses affluents en amènent la plus grande partie. C’est encore les chemins de fer qui ont accaparé ce transport, qui jadis appartenait exclusivement aux rivières et aux canaux ; il ne faut pas s’en plaindre : le blé a, dans des wagons bien fermés, moins de chances de s’avarier que