Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/122

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bles à la vie ; c’était un emblème de puissance ; le mot populaire potence (potentia) l’indique suffisamment. Le prieur du Temple, l’abbé de Sainte-Geneviève, l’abbé de Saint-Germain des Prés, avaient aussi leur pilori sur les marchés relevant de leur juridiction. La loi du 28 mars 1790 abolit régulièrement cet usage féodal, que la Révolution avait renversé dés les premiers jours d’août 1789.

Le pilori royal était situé à l’endroit où se fait aujourd’hui la vente à la criée du poisson de mer. C’était une tourelle octogone coiffée d’un toit en éteignoir. Sur la plate-forme, une roue horizontale percée de trous était portée sur un moyeu à pivot. Dans les trous, on faisait entrer la tête et les mains du patient, on mettait la roue en mouvement, et le malheureux était ainsi montré circulairement et méthodiquement aux regards de la foule. Le pilori offrait un spectacle fort recherché de la multitude, car c’est là qu’on exposait le corps des criminels exécutés en place de Grève avant d’aller les pendre aux fourches de Montfaucon. Près du pilori se dressait le gibet qui servait dans certaines circonstances graves ; c’est là que fut pendu Jean de Montaigu ; plus tard, en 1418, Capeluche, le bourreau de Paris, qui avait frappé dans la main du duc de Bourgogne, fut mis à mort aux Halles, après avoir indiqué à son aide épouvanté comment il fallait s’y prendre pour proprement décapiter son homme. C’est là aussi, sur un grand échafaud construit exprès et tout tendu de noir, que Jacques d’Armagnac périt par le glaive, le 4 août 1477. Avant de gravir la sinistre échelle, il avait fait ses dévotions suprêmes dans la halle aux poissons, qu’on avait lavée avec du vinaigre et du genièvre, pour en neutraliser la désagréable odeur.

Entre le pilori et le gibet, une large croix étendait ses bras de pierre. Les débiteurs insolvables venaient y faire