Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/13

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supporte un évêque béat et un noble empanaché, qui ne se préoccupent guère du poids dont ils l’accablent. Des lapins, des lièvres, des pigeons dévorent la récolte mûre. Jacques Bonhomme est pensif, mais ses traits fortement accentués expriment tout autre chose que la résignation, et il dit, dans un mauvais patois : « À faut espérer qu’eu jeu-là finira tôt ! » Ce jeu est fini, et pour toujours ; l’égale répartition de l’impôt et la liberté du commerce ont sauvé la France au moment où la monarchie la laissait périr entre la famine et la banqueroute. Les lois de 1791, reprenant et appliquant les idées de Turgot, ont assuré désormais la libre circulation des subsistances. Nous avons subi et nous pouvons subir encore un renchérissement accidentel des denrées alimentaires ; mais l’approvisionnement de nos marchés sera désormais en rapport avec les besoins de la consommation. C’est par la liberté des transactions qu’on devait arriver sans secousses à ce résultat ; mais, pour y parvenir, il a fallu traverser des crises, des tâtonnements, des révolutions, qu’il n’est point inutile d’indiquer rapidement.

Tous les journaux que l’histoire a recueillis, celui que le Bourgeois de Paris écrivit pendant la maladie de Charles VI, celui de Pierre de l’Estoile, celui de Buvat, celui de l’avocat Barbier, sont unanimes sur ce point : la vie matérielle devient de plus en plus pénible à Paris. La ville ne peut se subvenir à elle-même ; pour se nourrir, elle fait appel à la province, à l’étranger, qui le plus souvent ne peuvent faire arriver les provisions jusqu’à elle, empêchés qu’ils sont par la guerre civile, par le brigandage, par le mauvais état des routes et surtout par une législation tracassière qui met des frontières partout, de province à province, de ville à ville, exige des péages sous tous prétextes, ruine, décourage, repousse les marchands forains.