s’asseoir derrière quelques mannes oubliées et essayer de dormir. Un agent de police les réveille, les secoue, les force à se relever, les renvoie ; ils font dix pas, et croyant n’être plus observés, ils se recouchent, la tête appuyée contre la muraille, et se hâtent de reprendre leur sommeil interrompu. Encore une fois, on les avertit, on les menace ; la fatigue est plus forte que leur volonté ; ils se font un nouveau gîte. On les découvre encore et on les conduit au poste, où le violon leur garantit du moins le droit de finir la nuit et de dormir en paix.
Un peu avant cinq heures du matin, on voit arriver des femmes qui, semblables aux vierges sages dont parle l’Écriture, portent à la main des lumières enfermées dans une lanterne ; elles se réunissent à l’angle de la rue Rambuteau, sur le trottoir de la rue Pierre-Lescot. On apporte un bureau portatif près duquel un homme s’installe. On entend faire l’appel des forts ; si l’un d’eux n’est pas arrivé, il est mis à pied pour la journée, c’est-à-dire qu’il est privé de son bénéfice, tout en étant forcé de travailler comme d’habitude. Un coup de cloche résonne en même temps que l’horloge indique cinq heures. C’est la vente du cresson qui va commencer. Tout le monde est à son poste ; voici le facteur, son commis-écrivain, son crieur ; voici l’agent de l’inspecteur du marché ; voici l’inspecteur des perceptions municipales. Chacun de ces employés écrit l’objet et le prix de la vente ; il y a donc, en toutes circonstances, trois documents qu’on peut contrôler l’un par l’autre et qui font foi lorsqu’il y a contestation.
Le cresson, qui entre aujourd’hui pour une part considérable dans l’alimentation parisienne, est, jusqu’à un certain point, d’importation récente[1]. Avant 1810, on
- ↑ Le cresson — l’humble cresson — a eu son rôle dans l’histoire des séditions parisiennes. Le 1er mars 1382, un percepteur royal voulant