Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/142

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en gros est terminée, les paniers sont vidés, et à la même place les marchandes commencent la vente au détail et crient : « La verdure ! la verdure ! »

Pendant ce temps, à un signal de cloche — car aux Halles c’est la cloche qui règle tous les mouvements, comme le tambour indique ceux de la caserne — les pavillons ont été ouverts ; sur le carreau, les transactions sont plus actives ; les acheteurs particuliers commencent à arriver ; des sous-officiers escortés de soldats portant de larges sacs tournent autour des monceaux de légumes et choisissent les denrées de l’ordinaire ; des religieuses, des cuisiniers de collèges, des propriétaires de petits restaurants, viennent, marchandant, liardant, se disputant, faire les provisions du jour. Il y a là un caquetage de voix aiguës et criardes qui semble broder une mélodie glapissante sur une basse continue, sourde et puissante, qui est formée par le bruit des fourgons des chemins de fer arrivant en foule, attendus avec impatience, déchargés avec empressement et curiosité, car ils apportent la marée.

C’est là, dans nos consommations journalières, la denrée aléatoire par excellence, et plus d’un Vatel y a trouvé sa déconvenue. En effet, il suffit d’un coup de vent pour que Paris manque de poisson. Selon l’époque, la vente commence à six ou sept heures du matin. Chaque panier porte le nom du propriétaire et l’adresse du facteur ; les forts, rompus à toutes les habitudes du métier, font immédiatement la répartition ; d’un coup d’œil, un facteur peut voir l’importance de l’envoi dont il devient responsable. Comme on lui remet les feuilles d’expédition, il sait de quelle manière la vente sera distribuée. Le poisson ne peut pas être vendu comme toute autre denrée, car le prix en diminue à mesure que la journée avance ; les premiers lots offerts à la criée ont donc un avantage sur ceux qui ne viennent qu’après. Pour main-