Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout cela en termes qu’on ne peut oublier. Sous Henri IV la situation du paysan ne se modifie que bien peu ; le roi a diminué les tailles royales ; mais, ménageant la noblesse il n’ose toucher à ses droits, et le laboureur paye deux cent cinquante-sept espèces d’impôts différents. Quant aux charges que le clergé fait peser sur le peuple, il faut se rappeler le distique italien cité par Brantôme :

Preti, frati, monachi, pulli
Mai non son satulli.

Cependant ce fut sous Henri IV, grâce à Sully, que les premières idées justes commencèrent à se faire jour. Dans les lettres patentes du 12 mars 1595, par lesquelles la circulation des grains est débarrassée de toute entrave, Sully fait dire au roi : « La liberté de trafic est un des principaux moyens de rendre les peuples aisés, riches et opulens. » Si Henri IV reprit momentanément cette liberté, pendant sa guerre contre Philippe II, afin que les Espagnols, maîtres de la Picardie, ne pussent s’emparer de nos grains, il la rétablit sans conditions dès 1601. De telles idées, si pratiques et si sages, étaient trop avancées pour l’époque, et elles devaient attendre bien du temps avant d’être appliquées d’une façon normale et régulière.

Richelieu, dont la théorie gouvernementale cyniquement avouée par lui-même était que, plus un peuple est malheureux, plus il est facile à conduire, remit en vigueur sous peine de mort les vieux édits de prohibition. Aussi quelle était la condition des agriculteurs ? Les doléances du parlement de Normandie, en 1633, le disent explicitement : « Nous avons vu les paysans couplez au joug de la charrue, comme les bestes de harnois, labourer la terre, paistre l’herbe et vivre de racines. « Déjà en 1651 un manifeste du duc d’Orléans disait qu’à peine