Ce fut dans la seconde moitié du dix-huitième siècle qu’on substitua les moulins pulvérisateurs au vieux système de râpe qui avait dominé jusqu’alors. Une telle amélioration ne se fît pas sans peine : les ouvriers des manufactures de la ferme se révoltèrent, acceptèrent, repoussèrent les nouveaux engins et, après bien des luttes, ne furent réduits que par un arrêt du conseil daté de 1786. C’étaient des moulins à bras ; la manufacture du Gros-Caillou a conservé, en guise d’objets de curiosité sans doute, quelques-uns de ces instruments antédiluviens, qui rappellent exactement, quoique dans de plus fortes proportions, ces moulins à café qu’on fixe à une table par une vis à crampons et dont les ménagères font usage. Ce travail, qui, il y a peu d’années encore, exigeait un labeur extrêmement pénible, coûtait fort cher et employait un nombre considérable d’ouvriers, est exécuté aujourd’hui par de très-ingénieuses machines que trois ou quatre hommes suffisent amplement à conduire.
Le râpage nécessite trois systèmes mécaniques superposés qui occupent trois étages. Au troisième, le tabac, sortant des masses, est versé dans des trous munis d’une manche en toile qui le fait glisser au second dans les moulins. Chacun de ces derniers est formé d’une cloche renversée dont la face interne est garnie de lames fixées dans des plans verticaux ; au milieu de cette sorte de mortier, un pilon conique en fonte, armé d’ailerettes hélicoïdales, pivote à demi par un mouvement alternatif. Le tabac entraîné passe entre les lames du pilon mobile ; il est froissé, pressé, écrasé, et sous cette action continue il finit par être pulvérisé. Ces mortiers ou ces moulins, qui sont au nombre de vingt-six dans la même salle, se meuvent sans bruit et avec une douceur apparente qui cache une force sans égale. Ils communiquent tous, séparément, à l’aide d’une ouverture placée à la