tranchées, à coups de pioche, largement, comme sur des terrains attaqués à la sape ; on donne de l’air à cet amas de matières fermentescibles par excellence ; on éteint, pour ainsi dire, le feu qui le menace, et l’on évite la combustion spontanée, qui, sans cette précaution, ne manquerait pas de se produire. Des rideaux en forte toile grise, garnissant les fenêtres, empêchent la lumière d’entrer trop vivement et de donner à la fermentation une activité qui ne serait pas sans péril. Une atmosphère énervante et lourde plane dans cette immense chambre où les parquets, les poutres, les lambris, sont recouverts d’une teinte brune, dont la nuance dénote l’origine au premier coup d’œil. Le tabac reste en masse pendant six mois ; il ne faut pas moins de temps pour que les résultats cherchés soient obtenus. Cette lente opération a pour but de débarrasser le tabac d’une partie de la nicotine qu’il contient à l’état de nature et de provoquer une fermentation acétique qui, détruisant les acides, ne laisse subsister que des matières dont l’innocuité a été reconnue.
Lorsque l’on démolit les masses, on voit flotter au-dessus d’elles un brouillard bleuâtre et léger semblable à ces vapeurs qui, dans les jours d’automne, courent sur le bord des rivières aux heures du soleil levant. Les ouvriers qui accomplissent cette besogne sont en sueur, comme s’ils travaillaient dans une étuve ; les lanières de tabac collées ensemble forment de larges paquets agglomérés dont la configuration irrégulière et rugueuse rappelle celle du marc de raisin pressé. On les désagrège à coups de hoyau comme des mottes de terre. À la sortie de l’atelier des masses, le tabac mis en sacs est transporté au troisième étage du bâtiment, qui contient les engins de râpage, c’est-à-dire un moulin à l’anglaise, installé selon tous les progrès de la minoterie moderne.