Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/212

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négociants de la Havane, voyant notre embarras, menaçaient d’augmenter leurs prix. On eut l’idée alors d’acheter des tabacs en feuilles dans les meilleures végas (plantations) de Cuba, de les expédier à Paris et de les confectionner en cigares. Une mission confiée à M. Rey, ingénieur des tabacs, réussit parfaitement ; on établit la manufacture de Reuilly, on forma des ouvrières, et les résultats qu’on a obtenus prouvent que nous pouvons lutter sans trop de désavantage contre la fabrication exotique. C’est là un point capital qui permet de livrer au public des cigares accessibles à bien des bourses et d’en retirer un bénéfice sérieux.

Ce premier succès a été un encouragement dont on a profité, et Reuilly produit maintenant des cigares de luxe, tels que londres, trabucos, régalias de la reina, depuis 25 jusqu’à 50 centimes, qui, sans tromper les vrais connaisseurs, parviennent du moins à les satisfaire. La manufacture emploie aujourd’hui 1 002 personnes, dont 939 femmes. Si les ouvriers ne lui manquaient pas, elle pourrait s’étendre sur les terrains voisins qui lui appartiennent et doubler sa manutention, ce qui permettrait de garder les cigares en magasin jusqu’à ce qu’ils aient atteint le degré de maturité parfaite. Chaque année 5 000 balles, renfermant environ 240 000 kilogrammes de tabac récolté dans les végas légitimes, c’est-à-dire célèbres de l’ile de Cuba, arrivent à Reuilly et sont précieusement conservées dans de vastes caves peu éclairées et de température toujours égale. Lorsque l’on a décousu l’enveloppe en forte toile, on en trouve une seconde formée des larges et résistantes feuilles arrachées au palmier royal (oreodoxa regia) ; cette dernière renferme les manoques de tabac liées au sommet et composant une poupée. Ces poupées sont, malgré le long voyage qu’elles ont accompli, encore imprégnées d’une certaine humidité, reste de la