les pays tropicaux, la proportion normale pour les cas de folie. Il y a plus : notre littoral est divisé en cinq arrondissements ayant pour chefs-lieux Brest, Cherbourg, Rochefort, Lorient et Toulon. Or le premier donne un nombre d’aliénés égal à celui des quatre autres. Est-ce au tabac qu’il faut attribuer un résultat pareil ? Non pas, mais aux boissons alcooliques dont les matelots bretons font une consommation que nulle société de tempérance ne parviendrait à modérer. Quant aux ouvriers des manufactures, à ceux qui vivent du matin au soir dans les émanations du tabac, qui plongent pour ainsi dire dans des vapeurs de nicotine, nulle maladie spéciale ne les atteint. Dans les cas d’épidémie, ils courent simplement les chances du quartier qu’ils habitent ; on a fait, à cet égard, pendant les dernières périodes du choléra, des expériences multipliées dont la conclusion est évidente. Les ouvriers et les ouvrières qui sont chargés de la fabrication des rôles filent le tabac humide, trempent leurs mains dans des baquets pleins de jus concentré et ne s’en portent pas plus mal. Parfois ils ont la peau des doigts légèrement excoriée par les sels de potasse, mais c’est là tout.
Il y a au Gros-Caillou un vieux bonhomme, entré en 1811 à la manufacture, et qui pose encore assez gaillardement sur le coin de l’oreille un bonnet de police, en souvenir des grenadiers de la garde impériale parmi lesquels il a servi. Il est employé à façonner des rôles en paquets ; il a les mains noires et pénétrées par l’humidité qui en découle. Il est sourd comme un dieu, mais le tabac n’y est pour rien, et ses quatre-vingts ans y sont pour beaucoup. Je lui ai crié quelques questions ; il y a répondu fort nettement et m’a affirmé qu’il n’avait jamais été malade. Les rapports des médecins attachés aux manufactures semblent cependant prouver qu’il y a une affection particulière dont les ouvriers en tabac