Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/42

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fournit avec prodigalité aux besoins des hommes, la disette ne peut être imputée qu’aux vices de l’administration ou des lois elles-mêmes ; » mais plus loin, abandonnant cette idée qui eût mérité d’être développée longuement, il accuse les agioteurs d’être cause de tout le mal : « Les subsistances circulent-elles, s’écrie-t-il, lorsque des spéculateurs avides les retiennent entassées dans leurs greniers et calculent froidement combien de familles doivent périr avant que ces denrées aient atteint le prix fixé par leur atroce avarice ? »

On peut facilement deviner à quels excès de telles opinions émises vont entraîner les esprits. Cependant il suffit de jeter un coup d’œil sur les variations du prix du blé à cette époque pour comprendre que, selon les différentes régions, c’est la difficulté des transports et l’absence de circulation régulière qui donnent la vraie raison de tant de souffrances. Pendant la première quinzaine de décembre 1792, le setier, mesure de Paris, équivalant à 1 hectolitre 59, offre dans les diverses parties de la France un écart de 25 à 97 livres. Dans les pays où la viabilité est absolument insuffisante (Hautes-Alpes, Basses-Alpes, Cantal, Creuse, Gard, Hérault, Haute-Loire, Puy-de-Dôme) le setier se paye depuis 60 jusqu’à 97 livres ; dans d’autres contrées où les moyens de communication sont moins imparfaits, telles que les départements de Seine-et-Marne, de la Somme, du Haut-Rhin, du Pas-de-Calais, de l’Aisne, il tombe à 31, 30, 28, 25 livres.

En présence de difficultés que doublait encore l’émission exagérée des assignats, on perdit la tête, et Collot d’Herbois fit rendre le 26 juillet 1793 un décret dont l’article 1er était ainsi conçu : « L’accaparement est un crime capital. » Ce qu’il y a de plus terrible dans ce décret, c’est le vague d’une rédaction qui peut permettre toutes sortes d’interprétations redoutables. Ainsi l’ar-