Page:Du Camp - Paris, tome 2.djvu/90

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logramme ; pour les vaches, 1  fr.  25 ; pour les veaux, 1  fr.  65 ; pour les moutons, 1  fr.  35. Malgré ces grands massacres, tout se passe avec un calme et un ordre parfaits.

Dans leurs vêtements de travail maculés de sang, les garçons bouchers ressemblent aux sacrificateurs antiques. Avec leurs manches retroussées qui laissent voir la vigoureuse musculature de leurs bras, avec leur cou épais, leurs larges épaules, ils ont une haute tournure qui ferait pâmer d’aise un peintre intelligent. Ils ont de gros sabots ; le bas de leur pantalon est retenu par un tortil de paille qui le maintient et l’empêche de flotter ; une longue serpillière les couvre depuis le haut de la poitrine jusqu’au milieu des jambes ; une ceinture de cuir rattache à leur côté la boutique, sorte de trousse triangulaire en bois où sont fichés les six couteaux nécessaires à leurs sanglantes opérations ; à côté, au bout d’une lanière, pend le fusil sur lequel les lames courtes et fortement emmanchées sont incessamment aiguisées. À les voir occupés à leur rude besogne, il est difficile de ne pas admirer leur adresse. Le bœuf est amené dans la cour rougie où plane une vague odeur tiède et fade. Une corde forte et courte enlace ses cornes, Cette corde est passée dans un anneau fixé au sol ; on fait un nœud solide ; l’animal courbe la tête, et tout son corps présente ainsi l’image d’un plan irrégulier incliné. Le boucher saisit un merlin et frappe un coup, un seul, entre les deux cornes. Sans un cri, sans un mugissement, le bœuf tombe sur les genoux et se laisse glisser sur le flanc. Dans son œil qui roule et semble vouloir sortir de l’orbite, se peint un étonnement sans nom ; il pousse un souffle bruyant par ses naseaux dilatés ; parfois il cherche à se relever, il tourne sa pauvre tête alourdie. Trois ou quatre coups de masse donnés sur le frontal le couchent par terre et l’achèvent. On lui coupe la gorge alors, et