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Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/146

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tives, car, le 2 avril 1795, on y installa le tribunal révolutionnaire[1]. Aujourd’hui la cour de cassation y siège au civil, et, comme un cénacle de sages revenus des choses de ce monde, discute la valeur des axiomes qui sont le langage même du Droit.

Si le temple a été modifié, que dire de la déesse elle-même ? Elle s’est rajeunie en vieillissant ; à mesure qu’elle a pris des années, elle s’est débarrassée de l’attirail à la fois grotesque et terrible dont le moyen âge l’avait affublée. Elle ne ressemble plus, grâce à Dieu, à cette furie implacable devant laquelle nos pères ont tremblé. Au lieu de considérer l’accusé comme une chair à torture et à billots, elle voit en lui un homme et l’entoure de garanties qui lui permettent, par un combat publiquement contradictoire, de prouver son innocence ou d’être accablé par les preuves discutées de sa culpabilité. Ce grand travail de civilisation ne s’est point fait en un jour. Il a fallu bien des années, bien des controverses entreprises par des intelligences supérieures ; il a fallu surtout la Révolution française, qui, dans son ardeur pour l’équité, a jeté bas l’échafaudage sanglant de nos vieilles coutumes judiciaires pour y substituer ces prescriptions préservatrices, ces lois longuement élaborées qui font de nos codes français un ensemble qu’on perfectionnera encore sans aucun doute, mais devant lequel on peut dès à présent s’incliner avec respect.

À regarder de près comment la justice était administrée jadis en France, on serait tenté de croire que les juges, résolus à condamner toujours et quand même, mais voulant néanmoins mettre leur conscience à l’abri,

  1. Ce n’est pas là, comme on le croit habituellement, que Danton fut jugé. La salle d’où il faisait entendre sa forte voix aux groupes réunis sur le quai était située au-dessus de la Conciergerie, et a été détruite pour faire place à de nouvelles constructions.