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Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/163

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est rapidement mené, car la foule attend à la porte, et les heures passent vite. Pour un inculpé intéressant qui de loin en loin apparaît devant le substitut, ce qu’on voit là est le ramassis de toutes les misères et de tous les vices : vagabonds, mendiants, filous, escrocs, tapageurs, filles à demi folles, garnements de toute espèce, polissons de toute venue, insoumis de toute origine. C’est vraiment l’inverse du tonneau des Danaïdes ; on a beau les jeter à la police correctionnelle et dans les prisons, on en retrouve toujours autant, sinon plus. Cette mauvaise herbe pousse sur le pavé de Paris comme l’ivraie dans les champs abandonnés. Un juge qui a habité l’Algérie me disait : « Ce sont des sauterelles ; ils gâtent tout et ne servent à rien. » Il y en a de fort jeunes encore qui déjà ont une telle habitude du petit parquet, qu’ils y arrivent comme chez eux ; ils entrent, s’assoient, jettent un regard circulaire pour voir si rien n’est changé depuis la dernière fois qu’ils ont comparu, répondent sans qu’il soit besoin qu’on les interroge, signent le procès verbal, et s’en vont en disant : « Au revoir ! »

Du reste, les questions et les réponses varient peu : « Pourquoi couchez-vous dehors ? — Je n’ai pas d’ouvrage. — Pourquoi avez-vous frappé les agents ? — Je ne sais pas, j’étais ivre. — Pourquoi vous êtes-vous enfui de chez le marchand de vin sans payer ? — Je ne sais pas, pour rire. » Et ainsi depuis le matin jusqu’au soir. Parfois on a devant soi une vieille femme que l’alcool, la misère et le reste ont abrutie. Il n’y a pas à craindre que celle-là réponde : « Je ne sais pas ; » au contraire, elle sait tout, ce qu’on lui demande et ce qu’on ne lui demande pas. C’est une écluse dont on a levé les vannes ; le flux de paroles coule d’une façon monotone et régulière. Elle n’écoute pas ce qu’on lui dit et croit répondre parce qu’elle parle. Rien ne l’arrête, ni les observations, ni les menaces. Au bout d’une