Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/179

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vahies de bonne heure ; on arrive là comme à une représentation extraordinaire, comme à un drame, dont le héros, loin de réciter des phrases de convention, luttera pour défendre sa propre vie et subira un dénoûment qui n’aura rien de fictif. Dans ce cas-là, les femmes, celles du meilleur monde mêlées à de petites bourgeoises curieuses, se glissent avec des sourires entre les bancs des témoins, s’insinuent près des avocats et prendraient d’assaut jusqu’au siège du président, si on les laissait faire. Elles sont déplaisantes à voir, et la prétendue sensibilité dont elles aiment à se vanter ne s’accommode que bien difficilement avec une curiosité si âpre et si malsaine. Parfois elles tombent sur des magistrats d’humeur peu accommodante. On se rappelle ce joli mot d’un conseiller qui, présidant les assises dans une affaire très-scabreuse et voyant un grand nombre de femmes installées dans le prétoire, dit : « La cause que nous allons entamer contient des détails inconvenants ; aussi j’engage les honnêtes femmes à se retirer. » — Personne ne bougea ; il reprit : « Audiencier, maintenant que les honnêtes femmes se sont éloignées, faites sortir les autres. »

Au point de vue de la curiosité indécente, les audiences des 28, 29 et 30 décembre 1869, pendant lesquelles on jugea Troppmann, furent un véritable scandale. La salle était comble ; toute place avait été envahie ; l’atmosphère lourde et chaude ressemblait à celle d’une étuve ; les filles célèbres du mauvais monde parisien, les actrices en renom, s’étaient faufilées entre les rangs pressés des avocats, parmi les jurés de session qui n’étaient point du procès ; toutes, invariablement, elles portaient des vêtements noirs, et par ce costume convenable ajoutaient encore à l’inconvenance de leur entassement dans un pareil lieu et pour un pareil motif.