Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/180

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En attendant que la cour prenne séance, on chuchote, on regarde les ornements de la salle, les emblèmes de terreur qu’on donne encore à la justice, le buste du souverain, l’horloge au-dessus de laquelle on lit ce distique, qui, je crois, est de Santeul :

Judicis humani leges posuere tribunal ;
Est Deus et sonti conscia mens sceleris.

Sur la muraille, au fond même, derrière l’estrade où siègent les conseillers et ne pouvant être vu par eux, un Christ étend ses bras sur la croix. C’est là une erreur inexcusable. L’image du Christ doit être placée sous les yeux mêmes des juges, comme un avertissement sans cesse renouvelé, car elle représente un innocent injustement condamné et qui maintenant est le souverain juge.

Cependant l’accusé, à la Conciergerie, se prépare à comparaître devant le jury et à jouer cette dernière partie dont sa tête est peut-être l’enjeu. Il quitte le costume obligatoire de la prison et revêt ses habits les meilleurs, car tous, sans exception, cherchent à avoir, pour cette heure terrible, ce qu’on appelle une tenue décente. Le jour où, selon l’expression consacrée, Troppmann « monta » à la cour d’assises, il se passa un fait curieux qui prouve, une fois de plus, combien la confusion des idées est profonde dans ces cervelles malsaines. Depuis son arrestation au Havre, il n’avait point été rasé ; on craignait tout de son énergie, on redoutait qu’il ne se jetât sur le rasoir et ne se fit une blessure mortelle. Son avocat demanda qu’il parût devant le jury tel qu’il était le jour du crime et, par conséquent, qu’on lui enlevât la barbe, qu’il ne portait pas alors. Après quelques difficultés, on fit droit à cette exigence, dont le but se devinait aisément ; en effet, Troppmann, dont l’apparence trompeuse était chétive