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Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/181

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et grêle, avait l’air d’un enfant de quinze ans lorsqu’il était rasé, et l’on pouvait essayer de démontrer aux jurés qu’un si faible jeune homme n’avait jamais pu commettre tout seul les crimes qu’on lui imputait et que du reste il avait avoués à ses compagnons pendant son séjour à Mazas. Pour le raser on prit toutes les précautions imaginables, on le revêtit d’une camisole de force, on l’attacha sur une chaise et l’on plaça des agents à sa droite, à sa gauche, derrière lui, de façon à le saisir et à l’immobiliser s’il faisait un mouvement trop vif en sentant le rasoir glisser sur son cou. Avec sa figure impudente et ironique, Troppmann souriait de la défiance dont il était l’objet, et il n’était pas sans ressentir quelque orgueil d’être un si important personnage. Haussant dédaigneusement les épaules et dirigeant vers moi ses petits yeux verdâtres, il me dit : « Malgré toutes leurs simagrées, j’aurais bien pu mourir, car j’ai des inventions qu’ils ne connaissent pas ; mais je n’ai pas voulu me tuer, pour ne point déshonorer ma famille. »

Les cérémonies sont moins longues pour un accusé vulgaire. Lorsque l’heure est venue, il se met en marche sous la conduite d’une escorte de gendarmes de la Seine ; il a gravi le long escalier tournant qui aboutit directement de la prison à la cour d’assises ; accompagné de son avocat, il est conduit dans la chambre du conseil, où sont réunis les membres du jury, le président, les deux conseillers qui lui servent d’assesseurs, l’avocat général et le greffier. En sa présence, on tire au sort les douze jurés qui doivent prononcer sur lui. Il peut, ainsi que le ministère public, exercer contre eux un droit de récusation qui est péremptoire. Dès que cette première formalité est accomplie, l’accusé est amené à son banc.

Lorsque le crime est grave, il y a toujours à ce mo-