Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tissement de l’orgue et des chants grégoriens frappe les voûtes, retombe comme une tempête, se précipite dans les galeries ouvertes et va réveiller chez plus d’un détenu des souvenirs amollissants qui pourront les émouvoir, mais ne les rappelleront pas au bien.

Pour beaucoup d’entre eux, vagabonds et fils de voleurs, issus de la misère unie à la débauche, c’est là un langage ignoré dont ils n’ont jamais entendu la première parole et dont la pompe austère peut les impressionner. Pour d’autres c’est une distraction ; pour bien peu c’est un secours. À un moment, le ciel s’est découvert ; par les hautes fenêtres, un rayon de soleil est entré comme un emblème éclatant de la liberté rêvée, de l’indépendance perdue, des souvenirs d’enfance, de ce bon temps où, sans contrainte, on courait à travers les champs ; mon cœur s’est serré, et pour tous ces pauvres hommes je n’ai plus senti qu’une commisération sans bornes.

Par l’entre-bâillement des portes, on apercevait çà et là des faces collées, puis la blancheur du linge, et des cheveux crépus qui passaient. J’ai voulu voir comment on écoutait la messe ; j’ai parcouru une galerie et regardé dans trente-trois cellules. Trois détenus lisaient la messe ; un debout, la tête couverte, regardait vers l’autel ; un autre était à genoux ; un, ayant posé son Paroissien en évidence, tenait à la main une brochure qui m’a paru être le Magasin pittoresque ; un, les bras appuyés sur la planchette de la porte, la tête enfoncée dans ses bras, pleurait avec des sanglots qui le secouaient tout entier. Ne serait-ce que pour cet homme, la messe a été sanctifiée ce jour-là ! Les vingt-six autres détenus, assis à leur table, travaillaient ou lisaient.

Mazas est bien gardé. Les grilles sont solides, chaque porte est toujours fermée, les murailles sont épaisses et hautes, les surveillants ont des yeux bien ouverts et