Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des sentinelles sont posées dans le chemin de ronde qui circule entre les deux enceintes[1]. Aussi, depuis plus de vingt ans que la maison est ouverte, on n’a eu à constater aucune évasion. Une seule tentative a eu lieu et n’a été déjouée que par des circonstances fortuites. Un ancien serrurier, nommé Pierre Charreau, âgé de quarante-quatre ans, détenu en prévention, trouva moyen, dans la nuit du 2 au 5 mars 1860, d’enlever la fenêtre de sa cellule, de desceller les barreaux, de pénétrer dans les préaux qu’il franchit, et d’arriver ainsi, sans avoir donné l’éveil, jusqu’au pied du premier mur d’enceinte. Là, ayant trouvé quelques madriers qui servaient à des réparations, il en prit un, le dressa contre la muraille de telle sorte qu’il put atteindre le faite. Il descendit en se laissant glisser sur la poutre qu’il avait attirée jusqu’à lui et se trouva dans le chemin de ronde où le factionnaire, bien enfoui au fond de sa guérite, enveloppé de sa capote, dormait probablement. Charreau voulut escalader le dernier mur ; mais il s’en fallait de six mètres que le madrier fût assez long. Il revint alors sur ses pas, et, arrachant la grille de l’égout qui, desservant la prison, aboutit au point de jonction du quai de la Râpée et du boulevard Mazas en amont du pont d’Austerlitz, il tenta de gagner ainsi les berges de la rivière et de saisir

Ce bijou rayonnant nommé la clef des champ ;

mais il avait compté sans la Seine qui, grossie et violente, remplissait l’égout et battait la voûte. Le mal-

  1. Autrefois les sentinelles dans les prisons avaient le fusil chargé et recevaient ordre de tirer sur tout détenu qui tentait de s’évader ; mais depuis qu’un soldat malavisé a, le 31 décembre 1856, tué à la maison de détention pour dettes un Américain qui prenait l’air à la fenêtre une heure avant d’être mis en liberté, on laisse les cartouches dans les gibernes, et l’on prie les sentinelles de se contenter de donner l’alarme.