Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/255

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au bibliothécaire, qui toujours est un détenu signalé par sa bonne conduite ; il leva les épaules avec découragement et me répondit : « Que voulez-vous, monsieur ? l’administration ne fournit pas de gomme élastique ! »

Dans toutes les prisons de Paris les condamnés sont attentivement surveillés, non-seulement au point de vue des infractions qu’ils peuvent commettre, mais surtout au point de vue de leur attitude morale. C’est là une étude fort délicate, car il est presque impossible de deviner à la conduite d’un détenu ce qu’il sera en état de liberté. L’homme est saisi dans les mailles d’une discipline très-douce, mais de forme rigoureuse ; toute action étant prévue, il est très-difficile de s’éloigner de la route tracée ; aussi les détenus qui ont été graciés parce qu’ils n’avaient encouru aucun reproche, ou que leur aptitude avait fait nommer contre-maîtres, sont sujets à la récidive comme les autres.

Un rapport est adressé tous les ans par le directeur à la préfecture de police sur la tenue des prisonniers et sur ceux qui paraissent dignes d’indulgence ; ce rapport est discuté par les chefs de service, réunis aux directeurs ; les sommiers judiciaires sont compulsés, et l’on cherche, en s’éclairant sur les antécédents, à ne proposer au comité des grâces que les sujets qui n’ont pas trop démérité. La liste dressée par les directeurs, réduite par la préfecture de police, est expédiée au ministère de la justice, où elle subit une nouvelle épuration ; puis le parquet en a connaissance à son tour, et y efface encore quelques noms après avoir interrogé les dossiers pleins de renseignements qu’il possède et garde avec soin. Devenue ainsi définitive, la liste ne mentionne plus qu’un très-petit nombre de condamnés, sur lesquels le chef de l’État exerce son droit de grâce, qui est la plus noble et la plus enviable prérogative de la souveraineté.