Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

codétenu qui lui sert d’auxiliaire, d’un gardien et d’un garde de Paris à qui l’on a fait retirer son sabre ; de plus, la porte est close, mais le guichet en est ouvert, et un gardien placé dans la galerie se promène devant incessamment.

Il est bien rare que le condamné ne tombe pas presque immédiatement dans un abattement profond. Il est à bout de forces ; il a tant lutté pendant l’instruction, pendant les débats ; il a entassé tant de mensonges qui se sont écroulés sur lui ; il a imaginé tant de ruses dont on s’est servi pour le vaincre ; il s’est tellement dominé pour ne point laisser échapper les violences qui bouillonnaient en lui ; il est si découragé, si las, si anéanti jusque dans ses moelles, que, semblable à un animal trop longtemps pourchassé par des chiens, il s’affaisse tout à coup et s’endort d’un sommeil de plomb. Aussi, lorsque le soir même de sa condamnation on lui parle de signer son pourvoi, il refuse énergiquement, il s’impatiente, il hoche la tête. « Me pourvoir ! ah, bien oui ! j’en ai assez comme cela ; je ne demande qu’à en finir. » Il a compté sans l’espérance, qui jamais ne meurt, même dans les cœurs les plus désespérés. Le directeur de la Conciergerie insiste, car il n’est pas à son aise devant la responsabilité qu’un condamné à mort fait peser sur lui ; puis l’avocat vient, il a découvert des cas de cassation pouvant autoriser le renvoi devant une autre cour d’assises qui, plus éclairée ou moins prévenue, ne prononcera pas la peine irrémissible. Ceux qui ont refusé d’en appeler à la juridiction suprême sont bien rares : on en connaît cependant, entre autres Jadin, qui ne voulut jamais se pourvoir, afin d’échapper plus vite au fantôme de sa victime, qui le hantait sans relâche, et Lemaire, sorte de maniaque qui n’avait tué que pour avoir « la gloire » de mourir sur l’échafaud. En général on a promptement raison des résistances du