condamnés à mort le connaissent, ne serait-ce que par ouï-dire. Ils ont appris de leurs gardiens qu’il couche sur une paillasse, parce qu’il a vendu jusqu’à ses matelas pour donner quelque argent aux pauvres prisonniers. Ils savent qu’il les accompagnera non-seulement à l’échafaud, mais au cimetière qui leur est réservé, et qu’il bénira la terre qui doit se refermer sur leur cadavre mutilé. Aussi est-il accueilli par eux avec une sorte de joie respectueuse et de trouble involontaire.
A-t-il sauvé beaucoup d’âmes ? C’est le secret de la confession, et nul ne l’a pénétré ; mais la violence et l’hypocrisie marchent de conserve moins rarement qu’on ne croit, et plus d’un condamné a dû insister pour voir l’aumônier le plus souvent possible, faire éclater son désespoir devant lui, se frapper la poitrine, demander des pénitences exagérées, dans l’espoir vague qu’un tel repentir, si vivement affiché, pourrait être porté à la connaissance des chefs mêmes de la justice, et ne pas être inutile lorsque l’heure serait venue de discuter le recours en grâce.
Les jours sont longs entre quatre murs et dans les étreintes de la camisole de force ; ils passent trop rapidement cependant au gré du condamné, qui les compte et qui suppute combien d’heures il lui reste encore à vivre. Quoique nul ne lui parle de ce qu’il appelle « son affaire », il sait qu’on s’en occupe, que son avocat a réuni le faisceau de faits qui peuvent entrainer la cassation de la procédure, que la cour suprême va bientôt prononcer. Vingt, trente, parfois trente-cinq journées[1],
- ↑ La justice, dans le louable esprit d’humanité qui doit toujours inspirer ses actes, avait compris qu’il était cruel de laisser longtemps un condamné à mort se débattre dans les dures alternatives de la terreur et de l’espérance ; la cour de cassation, le garde des sceaux, le souverain semblaient s’être donné le mot pour accélérer l’œuvre de réparation suprême ; les pourvois, les recours en grâce étaient examinés avec une rapidité que ne connaissaient point nos anciens usages. Momble, condamné le 15 juillet 1869, est exécuté le 5 août ; Troppmann, condamné