Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/283

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pour les gentilshommes, ne comportait point d’idée d’infamie.

Lorsque le comte de Horn fut condamné à la roue, sa famille insista très-vivement, mais en vain, auprès du régent pour que le coupable fût décapité, afin que les cadets et les filles de sa maison pussent entrer dans l’ordre de Malte et dans les chapitres nobles de chanoinesses. Toutes ces puérilités cruelles, sévèrement maintenues, comme prérogatives, par le droit coutumier, ont aujourd’hui disparu pour jamais ; l’article 12 du code pénal est formel : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée. »

Dés le début de la Révolution, on se préoccupa d’infliger aux coupables un supplice uniforme ; l’humanité eut peu de part à cette résolution ; un tout autre mobile dirigea les législateurs. Aux premières heures d’une ère d’égalité enfin ouverte et rêvée depuis si longtemps, ils voulaient, faisant jouir le peuple entier d’un privilège étrange jalousement défendu jusqu’alors par une caste particulière, ôter à la peine capitale cette note d’infamie qui rejaillissait sur des familles innocentes. Les préjugés étaient si baroques encore et si enracinés, qu’il était honteux d’avoir un frère non pas mis à mort pour ses crimes, mais mis à mort d’une certaine façon, par la corde ou sur la roue. C’était le renversement de la morale contenue dans le vers fameux :

Le crime fait la honte et non pas l’échafaud.

Il était convenu, avéré que la hache seule laissait aux parents du condamné exécuté tous les droits dont ils pouvaient jouir ; on adopta la hache, mais la hache modifiée, devenue mécanique et agissant pour ainsi dire d’elle-même, sans que l’homme fût obligé de la manier. Cette préoccupation du genre de supplice et de l’infamie qui s’y rattache ressort avec une lucidité extraor-