Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/358

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tive qui, sans dérouter complètement la surveillance, la rend plus difficile et moins efficace. L’unique préoccupation de beaucoup de ces êtres corrompus est d’échapper tout à fait à l’administration et de vivre dans une indépendance qui devient pour la santé publique un péril de premier ordre et de tous les instants.

Notre étrange civilisation a produit ce résultat néfaste. La vanité de nos habitudes y est pour beaucoup ; jamais le vieux proverbe : habit de soie, ventre de son, n’a été plus applicable que de nos jours ; chacun veut avoir sa maîtresse, comme chacun veut avoir des chasses, aller aux eaux, fréquenter les bains de mer et assister aux premières représentations des théâtres. Or la plupart des femmes que les hommes cherchent, trouvent et adoptent, appartiennent à la catégorie infime et véreuse où la prostitution inscrite se recrute ordinairement.

Les différentes phases politiques que la France a traversées depuis une soixantaine d’années, ont été singulièrement propices à la corruption des mœurs. L’instabilité de nos institutions, l’inconsistance de notre état social ont, nécessairement, amené la vie à outrance, et l’on s’est hâté de jouir, parce qu’on n’était pas certain de posséder longtemps. Plus encore que par le passé, Paris a été une ville de plaisir, une sorte de Venise du dix-septième siècle. S’amuser est devenu la plus importante, sinon l’unique préoccupation du plus grand nombre. Un vent d’abrutissement a soufflé qui a courbé les volontés les meilleures, balayé toute retenue, desséché les instincts les plus précieux. L’esprit ayant répudié ses droits, la matière a naturellement abusé des siens. La licence des mœurs semble avoir fait effort pour égaler celle que l’on a reprochée à la Régence et au Directoire. Nous sommes aujourd’hui en présence d’écuries d’Augias où les gens de toute catégorie et de toute con-