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Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/389

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prisonnières, et pendant ce temps, dans une chambre voisine, ils interrogèrent une à une nos détenues, leur promettant la liberté le soir même, si elles voulaient, en se disant l’objet de mauvais traitements, leur donner le prétexte qu’ils cherchaient à leurs mauvais desseins. Dieu veilla sur elles dans ce terrible moment. Pas une ne faiblit. Toutes furent unanimes à s’écrier qu’elles préféraient le sort qui leur était fait ici au vice et à la liberté. Et l’une d’elles, une enfant de seize ans, s’emporta même jusqu’à dire à celui qui lui offrait de sortir à l’instant même : « Vous êtes un lâche ! » Les malfaiteurs, confus dans leurs projets, sentant peut-être que la main de Dieu était ici, se retirèrent sans mot dire, et la maison continua à exercer paisiblement son activité chrétienne. »

L’ouvroir de la Miséricorde, dont le personnel, au 31 décembre 1873, se composait de 85 pensionnaires et de 10 religieuses, a été moins heureux que la maison de Reuilly. Dans son remarquable Rapport fait à la commission d’enquête sur le régime des établissements pénitentiaires (juillet 1874), M. Louis Lacaze a dit, en peu de mots, les tribulations qui ont assailli cette œuvre excellente : « Il a fallu, au moment du siège, transporter en Bretagne et mettre en sûreté chez les sœurs de Marie-Joseph, à Sainte-Anne d’Auray, les jeunes filles de la maison, les y entretenir, et rapatrier ensuite dans l’établissement de Vaugirard 48 d’entre elles qu’on n’avait pas pu rendre à leurs familles. C’est 10 000 francs que les événements du siège avaient coûté à l’œuvre, et un dixième seulement de cette somme lui a été alloué à titre d’indemnité. Les scélérats de la Commune élurent domicile à leur tour dans la maison de Vaugirard, et la lingerie tout entière (plus de 500 paires de draps, de 100 torchons et de 400 mouchoirs) fut pillée. Lorsque l’ouvroir fut restauré pour la seconde fois, les sœurs y rentrèrent avec leurs enfants, le 10 juin 1871 ; d’autres ne tardèrent pas à venir les rejoindre au foyer retrouvé ; le personnel fut bientôt au complet, et au bout de quelques jours les places manquèrent pour les demandes d’admission qui se produisaient de toutes parts. »

La Maison du Bon-Pasteur a été détruite de fond en comble. Il n’en est pas resté une pierre ; la Commune y mit le feu, et la pauvre petite communauté dispersée a traversé de très-mauvais jours avant de parvenir à se reconstituer. Dans son rapport, M. Louis Lacaze a cité une longue et très-intéressante lettre de madame Duparc, « qui met au service de l’œuvre, non-seulement un dévouement si complet, mais une si rare élévation d’esprit et de cœur. » Cette lettre, nous sommes autorisé à la reproduire ; dans les extraits que nous en donnons, nos lecteurs trouveront des faits dont il est bon de garder le souvenir :

« Les demandes d’admission se multipliaient, et, grâce à un don spécialement fait pour créer un certain nombre de lits, nous allions agrandir la maison d’une classe, et nos plans étaient déjà faits.