Aller au contenu

Page:Du Camp - Paris, tome 3.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous portent en quelques heures dans cette ville incomparable, dont on raconte des merveilles et qui adopte tous ceux qui se donnent à elle avec un cœur vaillant. L’homme et la femme ne résistent pas longtemps à de telles obsessions. Pour un qui réussit, combien y en a t-il qui succombent ! L’homme est saisi par le vagabondage et la femme par quelque chose de pis.

Ainsi, dans ce nombre de 35 751 personnes arrêtées en 1868, il faut compter 14 550 vagabonds et 3 353 mendiants. Beaucoup de ces pauvres gens ont été pris dans les premiers jours de leur arrivée à Paris. Dénués, sans asile, dans un état d’ahurissement indescriptible, n’ayant plus d’argent pour avoir du pain, ayant marché la nuit entière pour n’être pas ramassés par les rondes de police, harassés, ils ont été se livrer eux-mêmes au premier poste qu’ils ont trouvé sur leur chemin. Cette histoire est celle de bien des paysans que les travaux de Paris ont attirés et qui n’ont pas su se procurer l’ouvrage et la subsistance quotidienne. Aussi, sur les 35 751 individus, 4 429 ont été arrêtés en vertu de mandats d’amener lancés par le parquet de la Seine ; 151 en vertu de mandats départementaux ; 13 en vertu de mandats du préfet de police et 31 158 parce qu’ils avaient été surpris en flagrant délit, ou qu’ils n’avaient ni ressource ni asile.

Bien des enfants âgés de moins de seize ans (2 333) ont été arrêtés aussi pour fait de vagabondage, et parmi eux il s’en trouve qui, dans la même année, ont été conduits au Dépôt quatorze fois et plus. Ceux-là, c’est la vie sédentaire et cloîtrée qui les pousse à fuir. On les rend à leur famille ; ils ont pleuré, ils ont couché en prison, ils sont pleins de honte et d’un remords sincère, ils font effort sur eux-mêmes pour ne plus retomber en faute ; mais je ne sais quel oiseau voyageur bat de l’aile dans leur jeune tête, ils ont beau lutter, une force irrésistible