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sion de l’abbé de l’Épée, qui était mort le 23 décembre 1789.

Le nouveau directeur était un prêtre fort intelligent et passionné pour l’œuvre à laquelle il allait se vouer. Il parait avoir été fort ardent en toutes choses et avoir conservé dans ses façons d’être la vive impulsion qu’il avait reçue de son origine méridionale. Il ne tarda pas à reconnaître le terrain sur lequel il avait à se mouvoir, et il excella bientôt dans une mise en scène qui sans doute est nécessaire à Paris, où la curiosité blasée a toujours besoin d’être surexcitée, même lorsqu’il s’agit de venir en aide aux entreprises les meilleures. Toutefois il ne put échapper aux poursuites dont la plupart des membres du clergé étaient l’objet. Il était à l’Abbaye pendant les sinistres journées de septembre 1792 ; il n’échappa aux massacres que par une sorte de miracle ; la relation qu’il a écrite de sa captivité, malgré le côté personnel et trop extérieur qui la dépare, est une des pages les plus curieuses de notre histoire urbaine[1].

Pourtant la Révolution n’avait point dépossédé les sourds-muets ; loin de là, une loi des 21-29 juillet 1791 les avait confirmés dans la jouissance de l’ancien couvent des Célestins, mais en leur adjoignant les jeunes aveugles par une contradiction que l’on s’explique difficilement, car l’enseignement qui convient aux uns est fatalement stérile pour les autres. Cette étrange et déplorable confusion ne fut pas de longue durée : le 25 pluviôse an II (13 février 1794), un décret prononça la séparation des deux écoles, qui n’auraient jamais dû être réunies, et le séminaire de Saint-Magloire fut attri-

  1. Relation adressée par M. l’abbé Sicard, instituteur des sourds-muets, à un de ses amis sur les dangers qu’il a courus les 2 et 3 septembre 1792. — Collection des mémoires relatifs à la Révolution française, t. XXII, p. 85.