Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/25

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toujours menaçante, la Commune, s’inspirant de la tradition de tous les gouvernements possibles, décréta le dégagement gratuit des articles sur lesquels le Mont-de-Piété n’avait pas prêté plus de 20 francs. Dans l’origine, il avait même été question de faire rendre à leurs propriétaires des objets déposés en nantissement de 50 francs ; cette mesure, qui eût entrainé des conséquences excessives, fut repoussée pour un motif baroque. Un nommé Clément avait fait la proposition de la manière suivante : « Considérant qu’il est urgent de mettre à l’épreuve la science financière des membres de la Commune, je demande que le chiffre de 20 francs soit porté à 50 francs. » La forme donnée à la motion ayant été jugée impertinente, celle-ci fut rejetée. Le 12 mai, les dégagements prescrits commencèrent ; la Commune versait au Mont-de-Piété un à-compte de 15 000 francs par jour ; on allait lentement, si lentement qu’on atteignit le jour de la grande bataille sans avoir été liquidé, sans s’être trop dégarni, et qu’on en fut quitte pour une perte sèche de 188 367 francs ; c’était s’en tirer à bon compte.

Ces jours maudits sont passés ; que le néant les engloutisse et les garde à jamais ! Le Mont-de-Piété a repris ses opérations normales ; on y emprunte, on y prête, on y engage, on y dégage, on y renouvelle, on y vend tous les jours. Je voudrais pouvoir dire que cette série d’opérations atteint le but cherché dès le principe, et que l’usure n’existe plus à Paris. Je ne crois pas cependant que le Mont-de-Piété l’ait tuée ; pas plus que les jeux publics — si l’on avait la coupable imprudence d’en tolérer le rétablissement — ne tueraient les tripots clandestins. L’appât du lucre exercera toujours un attrait puissant sur les âmes basses. Voici ce qu’on lit dans un ouvrage spécial que j’ai déjà cité, et qui a été écrit par un homme que ses fonctions ont mis à même