Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/253

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toute seule ; l’eau, à une température de 28 degrés 1/2, est exclusivement réservée à l’alimentation des rivières vaseuses du bois de Boulogne.

Aujourd’hui, deux puits artésiens nouveaux sont en train : l’un, sur la Butte-aux-Cailles, est arrivé à une profondeur de 536 mètres ; l’autre, à la Chapelle, place Hébert, est à 677 mètres. Pour ce dernier on est tombé dans une vallée souterraine ; on espère rencontrer à 700 mètres la nappe d’eau de Grenelle, et à 720 la nappe d’eau plus profonde que l’on cherche ; on pense même pénétrer plus bas encore, jusqu’aux terrains jurassiques ; le volume d’eau que l’on obtiendrait alors pourrait bien dépasser toutes les prévisions. Voici longtemps que l’on y travaille : l’installation préparatoire date du 6 mai 1863 ; le premier coup de forage a été donné le 1er juin 1865, et l’on est aujourd’hui (avril 1873) occupé à descendre des tubes pour vaincre un éboulement qui s’oppose momentanément à ce que l’on passe outre et qu’on a vainement cherché à broyer pendant trois mois.

L’outillage qui agit dans le puits pèse seul 24 000 kilogrammes, soulevés à chaque pulsation d’une petite machine de 26 chevaux ; ce moteur m’a paru bien faible pour porter une telle masse à bras tendus. On se fait un jeu actuellement des difficultés qui arrêtaient Mulot ; l’art du forage artésien a fait d’immenses progrès, et, à telle profondeur que ce soit, on opère avec autant de précision que si l’on était à découvert et de niveau. Un contre-maître me disait en plaisantant : « À 600 mètres, nous pouvons raser un homme sans le blesser. » Cela est exagéré, mais on accomplit de véritables tours de force. Quand une tige se détache et tombe au fond de la longue gaine circulaire, on ne cherche pas à la ressaisir à tâtons comme autrefois, avec des pinces ; on procède scientifiquement : de la cire appliquée sur un disque moule « l’accident » de façon à reproduire l’obstacle qu’il