produisit à l’avant un remous bruyant et bondissant, mais, à l’arrière, calma l’eau, qui fut immédiatement couverte de brins de paille, de chats gonflés, de chiens noyés, de plumes de volailles et d’une telle quantité de bouchons, que j’en restai stupéfait. À mon exclamation involontaire, un des hommes qui m’accompagnaient répondit : « C’est un bon métier que celui de marchand de vin. » Je le crois sans peine ; le grand collecteur de la rive droite en pourrait témoigner[1].
Parfois on entend un choc violent dont le bruit, à la fois sourd et brutal, se répercute dans la galerie : c’est une voiture qui, passant au-dessus de nos têtes, frôle et soulève une des plaques de fonte qui ferment l’issue des regards. Ceux-ci n’ont point été épargnés dans ce vaste égout, où l’on a établi en outre des ponts de secours, notamment sur les portions qui, franchissant les hauteurs du boulevard Malesherbes, sont creusées à une grande profondeur. Deux escaliers placés en face l’un de l’autre et s’enfonçant dans l’épaisseur des parois latérales donnent un accès facile dans une chambre placée en soupente au-dessous de la voûte même ; toute comparaison gardée, cela ressemble au pont du Rialto qui est à Venise sur le Grand Canal ; en cas d’orage et d’invasion
- ↑ Le siphon qui, passant sous le lit de la Seine, en amont du pont de l’Alma, reçoit le collecteur de la rive gauche et le porte sur la rive droite, est, — je l’ai dit, — composé de deux tubes fonctionnant alternativement ou conjointement, selon le volume des eaux d’égout. On comprend que les wagons ou les bateaux-vannes sont impropres à le curer. Le système que l’on emploie pour le débarrasser des ordures qui risqueraient de l’encombrer, est tellement simple et tellement ingénieux, qu’il a fallu un peu plus que de l’intelligence pour l’imaginer. Chaque tube a un mètre de diamètre ; à l’ouverture d’amont (rive gauche) on y fait glisser une boule en bois de sapin dont le diamètre est de 86 centimètres. Plus légère que l’eau, elle flotte au gré du courant ; mais si elle rencontre un amas de détritus, elle est arrêtée ; l’eau, forcée de se frayer une issue, se presse à la partie inférieure du tube, s’y précipite et entraine avec elle l’obstacle sur lequel la boule avait pris point d’appui ; celle-ci, dégagée, reprend sa route et fait ainsi l’office d’une vanne mobile qui cure le tube au fur et à mesure qu’elle avance.