Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/350

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rête à la station de Clichy-Levallois ; sur la route apparaît une petite maison en plâtre où un marbrier expose des modèles de tombeaux et des couronnes funéraires ; çà et là on aperçoit quelques masures lépreuses ; c’est gris et presque déshabité. Les deux fleuves se réunissent et roulent de concert leurs flots jaunâtres jusqu’à la Seine, où ils débouchent par une vaste baie cintrée ; une grille retient au passage les immondices les plus grosses, que l’on enlève à l’écope pour aller les porter dans une toue rangée le long du chemin de halage ; ces détritus ne sont point perdus : un industriel sait en tirer parti. Je suis monté dans une barque chargée de toutes sortes de choses qu’on ne sait plus comment nommer ; que de bouchons ! que de bouchons ! Il paraît qu’on les retaille et qu’on les utilise encore ; une fois repassés au couteau et « parés », ils sont excellents pour boucher les petits flacons de parfumerie. Que trouve-t-on à cette grille toujours surveillée ? Beaucoup d’animaux morts et aussi, il faut l’avouer, de frêles avortons, enveloppés dans des linges sanglants et qu’on porte alors chez le commissaire de police, qui les envoie à la Morgue, où un médecin légiste saura dire s’ils étaient « nés viables ».

Au début de la guerre de 1870, lorsque la défaite de Wœrth nous eut ouvert les yeux sur notre faiblesse et fait succéder un effarement sans pareil à une confiance sans excuse, le peuple de Paris pensa aux égouts, et se sentit fort troublé. Certains journaux sonnaient l’alarme, et, se souvenant que Duguesclin s’était emparé du château de Fougeray en faisant jeter une charretée de bois contre la porte, ils s’imaginaient volontiers que les armées allemandes, sortant tout à coup d’un regard avec armes et bagages, allaient apparaître au milieu de Paris. On dédaigna tant que l’on put cette niaiserie qui, en d’autres moments, eût fait sourire ; on savait que le grand collecteur était invinciblement protégé par les