Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/37

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batière, voilà les matelas roulés, les lits de plume, les oreillers couverts d’une forte taie en gros coutil blanc et bleu. Parfois une seule personne apporte d’un seul coup dix, douze matelas et plus : c’est un maître de pension qui n’a pas d’élèves, c’est un propriétaire de maison garnie qui n’a pas de locataires. Les matelas ne sont pas très-nombreux au chef-lieu ; en revanche il y en a beaucoup à la succursale de la rue Servan, auprès de la Petite-Roquette ; lorsque je l’ai visitée, on en pouvait compter 8 800.

Cette succursale a été bâtie exprès ; aussi les magasins sont-ils d’une ampleur très-bien calculée, et assez vastes pour centraliser tous les meubles qu’on engage au Mont-de-Piété. D’immenses salles, fer et brique, défiant le feu, semblent être le dépôt des ébénistes du faubourg Saint-Antoine : meubles simples et sculptés, armoires à glace, pianos de toute provenance, crédences, commodes et buffets, vide-poches, bonheurs-du-jour, fauteuils, lits, canapés et tabourets, sont symétriquement rangés les uns à côté des autres, et craquent tout seuls de temps en temps pour prouver qu’ils sont plus neufs qu’ils n’en ont l’air.

Au rez-de-chaussée, de grands hangars ouverts au niveau du sol avaient été réservés pour les voitures ; on y a bien vite renoncé, l’encombrement y devint immédiatement excessif, au point de neutraliser le service. Là sont les instruments en métal que leur poids rend difficiles à manier ; j’ai vu des baignoires, des alambics, des appareils de confiserie, des chaudières, une masse de machines à coudre, et surtout une quantité extraordinaire d’étaux. La première impression produite par la vue de ces indispensables instruments de travail est fort pénible : on pense involontairement à l’ouvrier réduit par le chômage et la misère à engager son gagne-pain ; l’impression est erronée : un patron serrurier