Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/54

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sent une somme qui représente dix fois la valeur de l’objet frelaté. Le chineur accepte, s’en va, après avoir donné un faux nom, montré de faux papiers d’identité, et vend la reconnaissance. Au jour de la vente, on s’aperçoit quelquefois de la fraude, et alors la caisse des commissaires-priseurs paye la différence ; sinon, le marchand qui achète est trompé.

L’affaire est quelquefois fort onéreuse pour les commissaires-priseurs ; on a gardé le souvenir d’un coup de chinage sur de faux galons d’or, qui leur coûta plus de 30 000 francs. On chine encore les bijoux en les fourrant, c’est-à-dire en coulant du plomb dans les parties creuses, afin de leur donner un poids plus considérable ; rien n’arrête ces gens-là, et ils ne sont point embarrassés pour se servir de faux poinçons et de fausses marques de fabrique. L’un d’eux est une sorte d’homme de génie en son genre ; la Sûreté le connaît bien et l’appelle le roi des chineurs : jamais on n’a pu le saisir sur le fait. Il lui est administrativement interdit d’engager, il ne s’en soucie guère ; il a fait prendre patente à quatre de ses acolytes, et il chine par procuration. Il ne faut pas croire que cette fraude s’arrête aux objets précieux : on chine tout, — les matelas en les composant d’un cadre de laine rempli de varech, le calicot, en le revêtant d’un enduit et en le calandrant par certains procédés qui lui donnent l’apparence de la plus belle toile anglaise, — les pendules en n’y mettant pas de mouvement. Je n’en finirais pas, si je voulais énumérer tous les articles qu’on parvient à altérer ; n’ai-je pas raconté en son temps l’histoire de ce charcutier chineur qui truffait des pieds de cochon avec du mérinos[1] ?

Les chineurs cherchent à voler le Mont-de-Piété ; les

  1. Tome II, chap. viii.