Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/55

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piqueurs d’once en font leur maison de recel, à la grande colère des négociants, que ce genre de méfaits atteint d’une façon toute spéciale. Dans l’origine, le piquage d’once était un terme d’argot qu’on employait pour désigner le vol que le tisseur en chambre commettait sur les fils, laines ou soies qui lui étaient confiés ; il en gardait une partie pour lui, et cependant il rendait poids pour poids, car il avait mis le tissu à la cave pour le charger d’humidité, ou l’avait frotté d’un apprêt qui l’alourdissait. Aujourd’hui on appelle ainsi tout abus de confiance fait par un ouvrier, par un employé, par un garçon de magasin au préjudice de son patron. Les ouvriers bijoutiers qui retiennent des parcelles d’or, les commis en nouveautés qui coupent à leur profit quelques mètres d’étoffe sur une pièce, sont des piqueurs d’once. La plupart ont des receleurs, mais d’autres vont tout simplement au Mont-de-Piétè. Les négociants se plaignent avec amertume, sans trop de raison, il me semble, car c’est à eux qu’il appartient de surveiller leurs employés ; ils ont été jusqu’à demander qu’on interdît au Mont-de-Piété de prêter sur marchandises neuves, ce qui est excessif en théorie, et ce qui, en pratique, ruinerait presque d’emblée les petits marchands et les petits fabricants dont j’ai parlé plus haut. J’ajouterai que plusieurs piqueurs d’once ont été surpris en flagrant délit, grâce aux indications fournies par le Mont-de-Piété lui-même.

On vend, il est vrai, au Mont-de-Piété une quantité appréciable de coupons de robe de treize à quinze mètres ; on se tromperait si on en faisait remonter l’origine aux fraudeurs. La vérité est bien plus simple. Beaucoup de personnes, voulant faire un cadeau à une femme et n’osant lui offrir de l’argent, lui donnent l’étoffe d’une robe. La femme préfère l’argent, elle engage le coupon, le laisse vendre et retire le boni. Ce fait-là est tellement