Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Louis XVI avait voulu établir le marché à la marée et aux salines[1], le spectacle est navrant ; il est vraiment cruel de retenir des enfants au milieu de conditions pareilles. La maison scolaire occupe tout le fond de la place : au rez-de-chaussée une salle d’asile ; au second étage deux écoles, les garçons d’un côté, les filles de l’autre.

La salle d’asile n’a pas de jardin, pas même une de ces petites cours de souffrance comme il en existe souvent à Paris entre les maisons mitoyennes ; dans un préau sans jour et sans lumière, infecté, malgré tous les soins imaginables, par le voisinage immédiat d’une certaine chambrette, on réunit 150 enfants de deux à six ans. On a beau les débarbouiller constamment, ils sont toujours malpropres ; on dirait que cette vieille masure les salit d’elle-même. Les exercices qu’on leur fait faire, les mouvements gymnastiques dont on cherche à les amuser, ne remplacent pas le jeu au grand air, qui est indispensable à des bambins de cet âge. Ils sont tristes, ils s’ennuient, ils s’endorment malgré eux dans la lourde atmosphère qui les oppresse. Il y a plus : le danger du séjour dans ce mauvais local se révèle parfois d’une façon redoutable. Un enfant a mal aux yeux, puis un second, puis un troisième, tout à coup une épidémie ophthalmique se déclare, et l’on ne voit plus que de pauvres petites paupières rouges et tuméfiées. On appelle un médecin, on le consulte ; il répond : Démolissez votre salle d’asile et construisez-en une autre. — Comme ce sont là des remèdes qu’on ne trouve pas chez l’apothicaire du coin, les petits continuent à souffrir.

Les écoles sont dans des conditions semblables. On gravit deux étages pour arriver à celle des filles, et quand on demande où jouent les enfants, on vous con-

  1. Voir tome IV, chap. xviii, la Mendicité.