Page:Du Camp - Paris, tome 5.djvu/93

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l’enseignement exclusivement laïque se disent volontiers libres penseurs. La liberté est une ; on fait acte de libre pensée en croyant à une religion quelconque, tout aussi bien qu’en ne croyant à rien du tout. On semble n’avoir jamais compris, en France, que la liberté est le droit qui appartient à chacun de se conduire selon ses inspirations intimes en se conformant aux lois. Décréter un enseignement spécialement laïque ou spécialement religieux, c’est commettre un attentat contre la liberté de conscience, la plus précieuse de toutes, car c’est elle qui forge l’homme pour le grand combat de la vie.

Je crois, en outre, que les promoteurs de ce mauvais projet vont diamétralement contre le but qu’ils poursuivent. Il est facile de dire, comme un savant célèbre, que Dieu est une hypothèse ; mais le néant aussi est une hypothèse, et entre les deux on n’hésitera pas. — Lorsque j’entre dans une école tenue par des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, je ne leur demande pas quel Dieu elles adorent ; j’écoute la morale qu’elles professent, je m’incline, j’admire et j’estime que cette morale n’a jamais fait que du bien aux enfants. Les gens de foi médiocre, les indifférents même se rejetteront vers l’enseignement religieux dès qu’on tentera de le supprimer. Si l’on veut imposer l’école où l’on démontrera que l’avenir de l’au-delà n’est fait que de néant, chacun recherchera la doctrine qui affirme que l’effort sur soi-même, la victoire sur ses mauvais instincts, le redressement de sa propre nature, les bonnes actions trouveront plus tard une récompense éclatante ; on se dira qu’à tout prendre, et dans l’incertitude où flotte la pensée humaine, il vaut encore mieux essayer de gagner le paradis et de retrouver ses chers morts, que de marcher vers l’anéantissement. Si ce mouvement s’accentue, ce seront les congréganistes qui en profiteront, car on ira vers l’école