Aller au contenu

Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait déjà son œuvre et l’état civil enregistre 5 222 décès. En octobre, la progression est très-vive, elle peut faire comprendre vers quelle destinée l’on s’avance ; un mal nouveau va envahir la population et la ravager, car il rendra mortelles des maladies qu’il eût été possible de guérir ; 7 543 décès sont inscrits ; novembre n’est pas beaucoup plus meurtrier, malgré les brumes et le premier refroidissement de l’atmosphère : il fournit un total de 8 238.

Mais voici décembre avec ses longues nuits énervantes, avec le froid qui sur trente et un jours descend au-dessous de zéro pendant vingt-deux, et atteint son maximum d’intensité le 24 et le 25 par 11 degrés ; le mal dont j’ai parlé se développe d’une façon redoutable, c’est l’alcoolisme : on n’a plus à manger que des salaisons, de la viande de cheval débilitante, un pain que les chiens auraient refusé en temps ordinaire ; plus de bois pour se chauffer, pour faire cuire les rares aliments que l’on peut se procurer en attendant des heures entières à la porte des marchands, les pieds sur le pavé glacé, le corps baigné par d’insupportables courants d’air : à peine quelques bûches enlevées aux arbres de nos promenades, bûches vertes, humides, baveuses, brûlant mal, ne produisant que de la fumée et ne développant aucune chaleur. Pour résister à tant de causes d’affaiblissement, pour combattre ces deux grands ennemis de la vie, le froid et la faim, la population se mit à boire ; en ceci le gouvernement fut son complice. Il avait l’air de dire : Buvez et taisez-vous ; à ceux qui demandaient de la farine, il envoyait du vin et noyait dans des flots d’eau-de-vie l’ardeur d’un peuple qui, après tout, demandait à se battre et se serait battu si l’on n’eût réservé ses forces pour des œuvres néfastes ; est-il surprenant, après cela, que le mois de décembre se ferme sur 12 885 décès ? Le contingent excessif des