Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/155

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une journée d’avril, tiède et lumineuse ; le printemps soulevait toute la nature, les bourgeons éclataient et les oiseaux étaient fous ; je suis resté longtemps à regarder une fourmilière qui s’était établie sous l’entablement et qui travaillait, abritée, sous la tombe de cet homme de bien ; mais puisque sur les parois funéraires on a sculpté des alambics, des seigles, des maïs, pourquoi n’a-t on pas gravé le sphinx atropos, qui est un emblème de mort et qui a traversé les océans pour suivre la pomme de terre, dont il se nourrit ?

Au Père-Lachaise, comme à tous les autres cimetières, les israélites ont un champ de sépulture, enclos de murailles, absolument isolé, précédé d’une salle où l’on fait les purifications prescrites et où tous les rites religieux peuvent être accomplis loin des yeux profanes. Mais c’est seulement au Père-Lachaise que l’on trouve un cimetière musulman. Sur la demande de l’ambassadeur de la Sublime-Porte, le préfet de la Seine prit un arrêté, en date du 29 novembre 1856, qui fixait l’ouverture au 1er janvier 1857 d’un champ de repos exclusivement réservé aux mahométans. Ce lieu est triste, envahi par les herbes, déshabité. Une prétendue mosquée, qui n’est qu’une chambre d’ablutions, quelques stèles couronnées de turbans, rappellent seules que c’est un lieu funèbre. La pauvre reine d’Oude y repose sous ce climat froid qui l’a tuée ; sa tombe, d’énorme dimension, est un quadrilatère aplati formé de dalles juxtaposées ; mais dans les interstices la poussière s’est accumulée, les graines semées par le vent y ont pris racine, les herbes y poussent ; l’invincible force de la végétation disjoint les pierres et disloque ce vaste sépulcre.

Le Père-Lachaise est le cimetière favori de notre population ; il contient 29 371 concessions perpétuelles, et du 21 mars 1804 jusqu’au 1er janvier 1874 il a reçu