Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/156

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688 477 corps. Malgré son renom aristocratique, c’est le vrai pays de l’égalité ; la mort ne demande pas le mot de passe, elle accueille tout le monde et donne à chacun sa place dans la nuit. Voilà, dans l’avenue centrale, le monument que l’on dresse aux généraux Lecomte et Clément Thomas[1] ; plus loin, vers la droite, voici la tranchée où dorment 878 fédérés ; soldats bleus ou rouges, héros du devoir ou fanatiques du pétrole, tous ont eu les six pieds de terre auxquels ils avaient droit. Qu’ils reposent en paix !

Le cimetière le plus important après le Père-Lachaise est celui du Nord, Montmartre, qu’on a longtemps appelé le Champ du repos. Il existait avant 1804 et fut utilisé par Frochot. Des agrandissements nécessaires en ont augmenté la superficie en 1819, 1824, 1849, 1850, et lui ont donné une contenance de 19 hectares 47 ares 82 centiares. L’entrée en est hideuse, et il est impossible de comprendre que les différents administrateurs qui se sont succédé à la préfecture de la Seine depuis soixante-dix ans n’aient pas donné un aspect convenable aux abords d’un cimetière où l’on compte 20 100 concessions perpétuelles et où, jusqu’au 1er janvier 1874, on a fait 382 937 inhumations.

Jadis, au temps où bruissaient les Porcherons, il y avait là une sorte de ferme doublée d’un cabaret ; les ouvriers venaient s’y amuser le dimanche ; on n’était pas difficile alors sur les constructions de plaisance : on buvait du lait dans une masure, on buvait du vin dans une autre. Ces deux baraques existent encore : l’une sert de loge au concierge, l’autre est le bureau du conservateur. Ces deux chaumières, qui dépare-

  1. Les corps des généraux Lecomte et Clément Thomas, exhumés du cimetière Montmartre-Saint-Vincent le 26 décembre 1875, ont été portés le lendemain, en grande pompe, au lieu de sépulture qui leur avait été préparé dans l’allée centrale du Père-Lachaise.