Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/173

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étaient conservés : Thouret avait constaté le même fait lors de la translation des restes recueillis aux Innocents.

Le vent passant sur ces terres imprégnées de gaz méphitiques ne nous apporte pas précisément la santé. Rien n’est plus redoutable que les exhalaisons qui parfois s’échappent des tombeaux. Le 27 septembre 1852, trois fossoyeurs faisant une exhumation et n’ayant, — selon l’usage invariable des ouvriers, — pris aucune précaution, crèvent d’un coup de pioche un caveau voisin et tombent morts foudroyés. Si l’air que nous respirons nous arrive chargé de miasmes impurs, que dirai-je de la nappe d’eau souterraine qui alimente bien des puits encore et se mêle à la Seine ? La pluie qui tombe sur la surface des cimetières pénètre le sol, rencontre les corps, aide à leur désagrégation, se charge de molécules innommables, glisse sur les couches d’argile ou de marne et va empoisonner les puits. Bien plus, parfois elle se fraye une route invisible et aboutit subitement au jour. C’est une source. On y goûte ; elle a une saveur singulière qui rappelle le soufre ; si on l’analyse, on y rencontre le sulfure de calcium, invariablement produit par la décomposition des matières organiques. Il y en a plus de dix actuellement à Paris qui proviennent tout simplement de l’écoulement des eaux pluviales filtrées à travers les cimetières. Une de ces sources est exploitée ; j’en ai le prospectus sous les yeux : « Eau sulfhydratée, hydrosulfurique calcaire. » Elle guérit toute sorte de maladies ; à deux sous le verre, on peut aller boire cette putréfaction liquide : c’est pour rien.

Le moyen le plus simple de remédier à tous ces inconvénients, à l’entassement irrespectueux des corps, à l’air vicié, à l’eau putride, ce serait de retourner aux usages des Romains de l’antiquité et d’élever des bûchers au lieu de creuser des fosses. On a entrepris une