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pôts, nécessairement restreints, d’une spécialité parfois trop limitée, en regard de ces magasins, de ces réserves immenses qu’il suffit d’énumérer pour évoquer l’idée de toutes les connaissances humaines ?

Ces bibliothèques sont presque devenues des personnes, elles ont des noms ; on dit : la Mazarine, l’Arsenal, Sainte-Geneviève, la Richelieu. Il en manque une à l’appel : celle qui siégeait au Louvre, à côté de nos musées, dont elle était la sœur et le complément, a disparu pendant la Commune ; il en reste quelques monceaux de papiers brûlés et un souvenir désespéré qui saigne au cœur des bibliophiles.

La Mazarine est au palais de l’Institut, où elle fut établie par le cardinal Mazarin, pour le service du collège des Quatre-Nations ; ce fut Gabriel Naudé qui en fut le premier garde, — le premier conservateur, comme nous dirions aujourd’hui ; elle ne renferme guère plus de 150 000 volumes et environ 4 000 manuscrits ; elle possède une magnifique sphère terrestre à laquelle, dit-on, le roi Louis XVI a travaillé.

La bibliothèque de l’Arsenal occupe la maison de Sully ; sur le quai Morland, elle fait face aux magasins généraux de la ville de Paris, et montre un étrange couronnement composé de canons, de mortiers, de bombardes en pierres sculptées, dont l’effet est passablement ridicule. Le marquis Paulmy d’Argenson, qui l’a fondée, fut un forcené bibliomane ; il achetait partout, un peu à l’aveuglette ; curieux plutôt qu’érudit, il entassait sans mesure volumes sur volumes, si bien qu’à ce métier il se ruina et mit ses livres en vente ; le comte d’Artois, qui depuis fut Charles X, les acheta en bloc, et y ajouta le fonds La Vallière, qu’il possédait déjà ; cela constitua une bibliothèque hors ligne ; ses 6 000 manuscrits, ses 230 000 volumes, dont la plupart appartiennent à des éditions rares ou princeps, et sont