Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/299

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Perse quelques divertissements médiocres et une illumination aussi mal réussie que mal conçue, le travail chôma dans Paris comme pour une des grandes fêtes de l’Église.

Toutes les fois qu’il y a quelque part des uniformes à voir, des toilettes à regarder, le Parisien y court ; il ne manque pas une revue et il va aux courses, quoiqu’il n’y comprenne rien ; les chevaux ne l’intéressent guère, mais il s’y rend pour faire comme « tout Paris » ; il tâche même de s’approprier quelques termes du jargon qu’il est de bon ton de parler en ces endroits, car il paraît que la langue française, si riche, si souple, si précise, ne suffit pas à exprimer les rapports de l’homme et du cheval. Les plaisirs sérieux, ceux qui s’adressent directement à l’esprit, le laissent absolument froid ; les conférences — les lectures — qui ont tant de succès et rendent de réels services en Angleterre et en Allemagne, n’ont jamais pu s’acclimater chez nous ; tous les efforts que l’on a tentés pour les faire adopter par la population parisienne ont échoué, ou peu s’en faut.

C’est en cela, pour qui l’a imparfaitement étudié, que consiste sa démoralisation ; il est bruyant, extérieur, empressé dans ses plaisirs, mais les mœurs de Paris ne sont ni pires, ni meilleures que celles des autres grandes agglomérations humaines[1] ; il n’est pas plus juste de lui en faire un crime, qu’il n’est juste de lui reprocher l’extravagance de ses modes, car dès qu’il a inventé

  1. On peut appliquer à toutes les grandes capitales l’observation que je lis dans un rapport de police secrète sur l’esprit public à Paris, en octobre 1798 : « Il est presque impossible de rappeler et de maintenir les bonnes mœurs dans une population amoncelée où chaque individu, pour ainsi dire, inconnu à tous les autres, se cache dans la foule et n’a à rougir aux yeux de personne. » (Tableaux de la Révolution française publiés sur les papiers inédits du département et de la police secrète de Paris, par Adolphe Smidt, professeur d’histoire à l’Université d’Iéna, t. III, p. 337.)