Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/300

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quelque accoutrement ridicule, le monde entier l’adopte immédiatement. Les usages les plus baroques s’imposent avec une facilité inexplicable. Tel qui sera impunément esprit fort contre un axiome philosophique ou contre un dogme religieux subira, sans oser regimber, une forme de chapeau qui lui paraît horrible. Lorsque la mode fut aux duels, 4 000 gentilshommes furent tués en moins de quinze ans, et le roi accorda plus de 7 000 lettres de grâce pour homicide volontaire. Les perruques de Louis XIV, la poudre de Louis XV ont été humblement subies par l’Europe. Les rois n’y peuvent rien et les sceptres les plus absolus s’inclinent devant une cornette en dentelle. La Palatine raconte, dans une lettre du 16 juin 1716, un fait que l’on ne doit point passer sous silence, car il prouve l’impuissance des souverains en pareille matière et l’influence subite de l’esprit d’imitation : « Le feu roi disait : J’avoue que je suis piqué quand je vois qu’avec toute mon autorité de roi, en ce pays-ci, j’ai eu beau crier contre les coiffures trop hautes, pas une personne n’a eu la moindre envie d’avoir la complaisance pour moi de les baisser. On voit arriver une inconnue, une guenille d’Angleterre, avec une petite coiffure basse, tout d’un coup toutes les princesses vont d’une extrémité à l’autre[1]. » La guenille était lady Sandwich, femme de l’ambassadeur anglais.

On a beaucoup raillé les crinolines et les faux chignons ; rappelons-nous les paniers et les coiffures à la belle poule ; sous le Directoire, il était de bon ton de paraître enceinte, et nulle femme ne se serait montrée en public sans avoir son « demi-terme ». J’ai vu le temps où un homme n’était élégant qu’à la condition d’avoir un lorgnon dans l’œil. Ne nous moquons de personne, ni de nos pères, ni de nous-mêmes, ni de l’In-

  1. Correspondance de Madame, duchesse d’Orléans. (Brunet, I, 243.)