Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/306

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tention blessante et répondit : « Je suis un ancêtre, moi ! »

Si le Parisien adopte certains hommes et les pousse au pouvoir, on n’en peut dire autant des institutions : il leur est dévoué lorsqu’elles ne sont pas ; dès qu’elles existent, il n’en veut plus. Il est, à cet égard, d’une mobilité désespérante, augmentée par une absence d’idées politiques qu’il est difficile d’imaginer. En se servant du langage parlementaire, on peut dire que tout Parisien porte en lui une gauche et une droite qui se combattent sans cesse, votent à rebours, n’écoutent jamais la sonnette du président, et se perdent dans les discussions de mots où Byzance a sombré jadis. Il ne sait pas manier la liberté, il ne veut pas supporter l’autorité, et il serait ingouvernable s’il ne respectait ceux qui lui font un peu peur. Deux fois pris de belles intentions de régénération et bercé de rêves vertueux, il est parti pour Sparte et s’est arrêté en Macédoine, heureux lorsqu’il y a rencontré Alexandre.

Il demande des lois pour les autres, mais n’en veut pas pour lui : il se plaint de la réglementation administrative et accable le pouvoir de pétitions dans lesquelles il propose que chacun ait un livret indiquant sa capacité, un numéro d’ordre et des bulletins de vote de couleur différente pour les célibataires, les veufs et les gens mariés ; si l’on écoutait ces rêveries, dont les Corps législatifs ont eu souvent à s’occuper, ce ne serait pas trop de tripler le nombre des fonctionnaires. Il aide l’autorité à sa façon, il lui écrit constamment pour la morigéner et réclamer ce qu’il appelle des améliorations. C’est là encore une des anomalies caractéristiques du Parisien : il donne volontiers toutes sortes de conseils à ses administrations, il y a recours jusqu’à satiété ; mais dès qu’il en parle, c’est pour en dire du mal, les déclarer despotiques, tracassières et tout à fait