Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’avait irrité. Au mois de septembre 1804, lorsqu’il était déjà question de l’arrivée du pape, il disait, en séance du conseil d’État : « Paris a toujours fait le malheur de la France ; ne serait-il pas possible de choisir une autre ville pour le couronnement ? » La Gazette de France publia, par ordre, un article où des allusions au sort de Rome et de Byzance menaçaient Paris de lui enlever son titre de capitale. Ce projet, dont si souvent on avait fait un épouvantail pour Paris, a été exécuté en partie depuis 1871. Des esprits très-sages ont cru qu’il n’était pas prudent d’enfermer toute la force morale de la France dans une ville un peu trop sujette aux commotions[1]. Cette mesure, qui sera une cause de fortune pour les actionnaires du chemin de fer de Versailles, n’a point modifié d’une manière sensible l’existence de Paris : semblable au vaisseau qui forme ses armes parlantes, il flotte toujours et n’est point encore submergé. On pourra peut-être diminuer l’importance politique et administrative de Paris, mais il sera bien difficile d’amoindrir son importance morale ; elle s’est lentement formée par agrégations successives ; elle a pour elle une tradition dix fois séculaire, et elle est entretenue par l’activité même de ce peuple auquel viennent sans cesse se mêler les gens de la province et de l’étranger. Paris ressemble à cet airain de Corinthe qui, composé de toutes sortes des métaux en fusion, constituait un métal unique. La diversité des occupations, des tendances, des travaux, des plaisirs, des rêveries, donne à Paris une âme exceptionnelle dont l’influence s’étend au loin et s’impose. En 1872, on chantait

  1. Tous les discours parlementaires prononcés à cette occasion ont semblé le développement du thème formulé en ces termes par le Moniteur universel du 20 vendémiaire an III : « Tant que Paris sera ce qu’il est, l’impossibilité de faire de bonnes lois au centre d’une immense population en rendra le séjour calamiteux pour la représentation nationale. »