Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/364

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carrière par une explosion de miracles, fût arrivé à son terme. » Plus d’une fois, nous l’avons raconté, la France a subi des crises analogues à celle qui l’a atteinte récemment, qui l’opprime encore, et elle s’est redressée ; mais néanmoins, à compter la population qui diminue dans des proportions inquiétantes[1], à voir les divisions qui nous séparent comme une famille de frères ennemis, à écouter les vœux que formule un peuple aveuglé par les sentiments mauvais, à entendre les discussions stériles dont nos propres affaires sont l’objet, on peut légitimement être saisi d’angoisse et se demander si nous ne glissons pas sur la pente d’où l’on ne se relève plus.

Vieillesse et décadence, c’est tout un pour les individus, comme pour les nations. Il me semble que si l’on avait aujourd’hui à symboliser la France, on ne devrait plus la représenter sous les traits d’une jeune femme ceinte de lauriers verts comme l’espérance et portant dans ses yeux les hardiesses de l’avenir ; bien plutôt, je me la figure mûrie par l’âge et déjà blanchissante, grave, attristée, mais sereine, car elle sait que l’impartiale histoire dira que nulle génératrice d’idées ne fut plus féconde, ouvrant de sa main blessée le livre de la science où elle peut retrouver une vigueur nouvelle et appelant à son aide la concorde, qui seule peut la sauver et lui rendre sa puissance affaiblie. À cette heure, telle que nous la voyons après la mutilation dont elle souffre et les attentats qu’elle a commis sur elle-même, elle ressemble à un être qui meurt, faute de trouver un mode de vivre.

Les peuples, comme les hommes, traversent des pé-

  1. Le morcellement excessif de la propriété agricole est une des principales causes de la décroissance de la population française ; le paysan fermier a, il est vrai, beaucoup d’enfants qui lui épargnent autant de domestiques ; mais le paysan propriétaire, — et le nombre en augmente tous les jours, — se réserve après un ou deux enfants, afin qu’après sa mort sa propriété ne soit pas trop divisée par l’héritage.