à la fin du siècle dernier, il s’est constitué un peuple nouveau qui a rejeté au néant ses institutions, les temps écoulés de son histoire et qui est parti d’un pas délibéré pour la terre promise, pour une sorte d’âge d’or entrevu. Mais ce peuple a gardé ses mœurs, ses habitudes, son caractère ; tout cela pèse d’un tel poids, qu’il ne peut avancer et qu’il reste vacillant entre un passé dont il ne veut plus et un avenir qu’il ne parvient pas à formuler. En ne modifiant pas ses mœurs d’où étaient nées ses anciennes institutions, il en est réduit à ce pénible état de ne pouvoir s’approprier à ses institutions nouvelles, qui ne sont peut-être, après tout, que de simples conceptions d’esprit n’ayant aucun rapport avec notre caractère national, c’est-à-dire naturel. Des gens de bonne foi et animés d’intentions excellentes ont remarqué ce contraste, et croient y avoir trouvé le remède souverain en disant : revenez aux principes. Autant dire à une vieille femme de rajeunir. Il viendra peut-être une génération qui croira sincèrement à Dieu et au roi ; mais cette génération ne nous a pas précédés, et nous ne la verrons pas éclore. Il en est de l’esprit des hommes comme du cours des fleuves, il ne remonte jamais vers sa source.
La Révolution française a échoué parce qu’elle a été seulement politique, sociale et qu’elle n’a point été une révolution religieuse ; or il n’y a que celles-ci qui influent essentiellement sur les mœurs ; ce n’est rien de changer la forme apparente des gouvernements, d’intervertir l’ordre des castes et de déclarer les hommes égaux ; il faut, lorsque l’on veut réellement faire des hommes nouveaux, leur donner des mœurs nouvelles ; les mœurs sont la résultante du mode de concevoir les idées : les idées viennent du raisonnement ; qu’est-ce qui apprend à raisonner ? la philosophie, c’est-à-dire, pour le plus grand nombre, la religion. En France, la religion est