Page:Du Camp - Paris, tome 6.djvu/389

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levée générale, qui par le seul poids de sa masse ferait crouler le vieux monde.

Ce n’est pas tout de vouloir détruire un ensemble d’institutions consenties et d’en improviser d’autres ; il faut le pouvoir. Ces songe-creux ne savent pas que, pour modifier les relations économiques qui font la sécurité des peuples, ce n’est pas trop de la science, de la sagesse, du dévouement d’hommes exceptionnellement instruits, réfléchis et sagaces ; ils ne savent pas que le temps, aidé de l’expérience des générations, peut seul résoudre les problèmes enclos dans certaines questions. Les décrets n’y font rien, et de la parole aux actes il y a longue distance. Le Directoire aux abois jeta, d’une seule émission, sur le marché public 20 milliards d’assignats qui ne lui rapportèrent pas 100 millions. Si la Commune avait réussi à s’emparer de la Banque de France, le billet de 1 000 francs, malgré le cours forcé, n’aurait pas valu 10 centimes. C’est là le sort qui attend invariablement leurs tentatives ; la ruine universelle ne les enrichira guère.

S’ils sont assez bien d’accord sur le but général vers lequel ils tendent, ils ne sont pas parvenus jusqu’à présent à s’entendre sur les moyens de l’atteindre. Ils sont divisés à l’infini, et leur ignorance radicale, à peine dissimulée par des phrases ronflantes, les met hors d’état de trouver une formule pour leurs idées ; or une idée n’est et ne devient applicable qu’à la condition d’être définie. Certes les associations ouvrières, les sociétés de secours, les chambres syndicales, les groupes mystiques du compagnonnage ne manquent pas. Il n’est guère actuellement de corps de métier qui, sous un prétexte ou sous un autre, n’ait son lieu de réunion, de discussion, et des délégués que l’on envoie au besoin conférer avec les ouvriers étrangers. À l’image de ce qu’ils voient faire dans les assemblées parlementaires, ils se divisent vo-